L'exemple d'Aix-en-Provence de 1670 à 1692
ARTICLE
Au XVIIe siècle, l’indépendance financière est un élément essentiel de la vie municipale. Dotées de finances propres, les baux à ferme, les communautés ont le pouvoir de décider leurs dépenses, de couvrir celles-ci en établissant des recettes autonomes et, contrairement à la comptabilité du royaume, elles respectent la règle de l’unité budgétaire en ce sens que les recettes ne sont pas affectées au paiement de dépenses déterminées, sauf de façon tout à fait exceptionnelle.
Dans les budgets modernes, les recettes sont estimées, les dépenses sont fixées et ne peuvent être dépassées. Autant de barrières ignorées au XVIIe siècle puisqu’il n’existe pas d’état général comportant une estimation des recettes et des dépenses. Cependant, les consuls suivent de près l’état des finances afin d’évaluer un possible déséquilibre.
La trésorerie aixoise consiste à aménager sur une année les ressources, de façon à ce qu’elles correspondent à peu près aux dépenses. Si le trésorier ne possède pas suffisamment d’argent en caisse, soit les paiements sont suspendus en attendant des jours meilleurs, soit il avance l’argent sur ses fonds propres, soit, si les sommes dues sont très importantes, les consuls recourent à la technique de l’emprunt. Dans ce cas exceptionnel, la recette fait l’objet d’une affectation qui sera générale s’il s’agit de couvrir l’ensemble des charges de la communauté ou particulière s’il s’agit de rembourser un emprunt ou de faire face à une dépense précise.
L’emprunt est une prestation monétaire que les particuliers versent volontairement à la communauté, moyennant une promesse perpétuelle de service d’intérêt. Le remboursement du capital ne pourra donc intervenir que dans des circonstances exceptionnelles, c’est-à-dire qu’en absence de tout amortissement de la dette, celle-ci se maintient au fil du temps et s’aggrave en fonction des difficultés financières de la communauté. De plus, bien entendu, le service de l’intérêt constitue une lourde charge qui grève les recettes au fur et à mesure de leur rentrée.
L’emprunt, dont l’émission et le remboursement sont placés sous la responsabilité du conseil de ville, fait partie des ressources permanentes de la communauté, sans qu’il soit un instrument économique. On ne peut retenir que sa nature financière : il constitue une ressource normale en cas de difficultés budgétaires. En fait, il faut souligner son ambiguïté : parce qu’il finance des dépenses exceptionnelles, il pourrait avoir ce même caractère, or, dans la mesure où la communauté ne dispose pas d’autres moyens pour financer ses dépenses, l’emprunt acquiert un caractère ordinaire. A tel point qu’en 1679 le pouvoir central s’intéressera à cette recette qui supplante l’impôt, lequel est bien préférable pour la communauté puisqu’il présente l’avantage de ne pas créer de charge pour les générations futures.
Dans les situations les plus extrêmes, lorsque les consuls devaient impérativement recourir à l’emprunt, les Aixois, pour éviter l’augmentation des impôts, avaient tout intérêt à fournir l’argent nécessaire pour le fonctionnement des finances municipales. Sinon, contraints de trouver les fonds nécessaires, les consuls auraient eu recours à l’autre mode de financement, le plus simple à mettre en œuvre : l’impôt. Les Aixois sont donc libres de souscrire aux emprunts, mais leur marge de manœuvre dépend étroitement de la générosité des autres prêteurs. Il faut ajouter qu’il n’est pas sûr qu’ils aient eu d’autres moyens de placement.
L’évolution de la dette publique et son amortissement doivent être envisagés en fonction de trois périodes : dans la première, 1670 à 1679, les Aixois gèrent librement leurs finances ; dans la seconde, qui prend valeur de période transitoire, de 1680 à 1685, l’intendant commence à exercer son contrôle ; dans la dernière, de 1686 à 1692, fin de la période considérée, la mise en tutelle est consommée.
A la fin du XVIIe siècle, le pouvoir central organise le contrôle des dettes. L’ordonnance de l’intendant Morant, du 18 novembre 1862, met en place la procédure de vérification des dettes de la communauté afin de supprimer les abus par la vérification des titres, mais les résultats ne sont pas particulièrement convaincants.
Sous couvert de reprise en main des finances municipales, le seul objectif du roi est d’assurer des rentrées régulières et de plus en plus considérables dans les caisses de l’Etat afin de financer la guerre. Cette mise en tutelle financière va de pair avec la fin de l’autonomie électorale et donc politique des communes. Cet arsenal n’a qu’un but : ruiner ce qui reste d’indépendance, notamment en consolidant sa puissance, endiguant la vie politique, et donc œuvrant pour supprimer toute vie communale. Car le problème véritable est là, au cœur de la vie des communautés et un constat s’impose : bien sûr les finances municipales étaient déficitaires, le service de la dette n’était pas assuré régulièrement, il arrivait que les dépenses soient supérieures aux recettes, mais un jugement objectif conduit à conclure que le système fonctionnait et les chiffres de 1670 à 1679 sont là pour confirmer ce propos. Si l’on retranche tout ce qui touche à l’état de guerre, il faut admettre que les finances avaient trouvé un rythme, sûrement pas pleinement satisfaisant, mais il est vraisemblable qu’elles pouvaient continuer à fonctionner ainsi.
Il fut un temps où les communautés étaient utiles à la royauté pour lutter contre la féodalité, cette dernière vaincue, elles sont devenues un obstacle. Avec l’affirmation de l’absolutisme royal, les villes devaient être immolées au principe de centralisation administrative et politique. Aix-en-Provence n’a pas fait exception à la règle et, comme en matière électorale, personne ne songera à invoquer statuts, privilèges et constitution qui n’ont plus cours dans une province intégrée au royaume de France.
Tableaux
Tableau n° 1 : Dette municipale et recettes 1670 – 1679
Tableau n° 2 : Paiement des créanciers 1670 – 1679
Tableau n° 3 : Dette municipale et recettes 1680 – 1685
Tableau n° 4 : Evolution des finances municipales 1680 – 1685
Tableau n° 5 : Paiement des créances 1680 – 1685
Tableau n° 6 : Finances municipales , remboursement et emprunts 1670 – 1685
Tableau n° 7 : Dette municipale et recettes 1686 – 1692
Tableau n° 8 : Evolution des finances municipales 1686 – 1692
Tableau n° 9 : Paiement des créances 1686 – 1692
Tableau n° 10 : Paiement des arrérages 1670 – 1692