Délinquance et communaux boisés en Provence au XIXe siècle
COLLOQUE
La nouvelle réglementation a pour but de restaurer progressivement les communaux dépérissants ou dégradés, de conserver, d’améliorer ceux qui se trouvent en état de production plus ou moins satisfaisant. Un des moyens de parvenir à ce but est de lutter contre les délits.
Le Code forestier interdit de couper, d’enlever, d’écorcer, de mutiler les arbres qui se trouvent dans les forêts soumises à l’article 90, d’enlever tous produits se trouvant sur le sol, qu’il s’agisse de pierres, de sable, de feuilles…., d’y introduire des chèvres, des brebis ou des moutons. En ce qui concerne l’exercice de la chasse, en 1827, il est suspendu à l’obtention d’un permis de port d’armes de chasse, à partir de 1844, une loi de police réglemente la chasse et définit les délits.
Les délits qui se rencontrent le plus souvent sont le fait d’inculpés qui coupent un, voire deux arbres, qui enlèvent un ou deux fagots de bois, des herbages, des pierres…. On est donc en présence d’un délit de proximité et de nécessité.
En ce qui concerne le pâturage, le contexte provençal a imposé un assouplissement de la règle permettant, dans certains cas, le pâturage des moutons, celui des chèvres étant rigoureusement interdit. Cependant dans environ 25 % des cas, les bêtes en contravention sont des chèvres.
Une approche sociologique des délinquants montre que selon la profession, une distinction doit être opérée selon que les délinquants sont des cultivateurs, des propriétaires, les plus enclins à prendre en forêt les biens dont ils ont besoin, comme ils l’ont toujours faits. Quant aux journaliers, aux maçons, aux pêcheurs … ils font partie de ces gens pour qui la forêt est source de vie ou de survie.
Concernant la capacité juridique des délinquants, on note que le plus souvent ils sont majeurs.
Les délits forestiers sont constatés par les gardes forestiers, les gardes généraux, le gardes champêtres ou les gendarmes. Leurs procès-verbaux font foi jusqu’à preuve contraire. Encore faut-il que les auteurs soient sûrs du délit. En cas de flagrant délit, leur travail est simple, mais bien souvent l’inculpé tente de prendre la fuite, nie le délit, attitude qui ne peut surprendre lorsqu’on connaît la traduction financière d’une condamnation.
En ce qui concerne les délits de chasse, pour que le délinquant soit condamné, il est impératif qu’il ne subsiste aucun doute sur le fait de chasse. La preuve est suffisante si l’inculpé est pris en flagrant délit, s’il est muni d’un fusil chargé et armé, s’il a été trouvé dans la campagne avec tous les attributs d’un chasseur et dans l’attitude d’une personne à la recherche de gibier.
Les délits sont tout d’abord sanctionnés par une réparation civile. L’amende est calculée en fonction du diamètre de l’arbre coupé, du nombre de fagots enlevés, de charges d’herbages extraites…. Jusqu’en 1851, les enfants subissent la même peine que les personnes majeures. A partir de cette année, conformément à l’article 66 du Code pénal, la situation des mineurs de moins de 16 ans diffère de celle des adultes, selon qu’ils ont agi avec ou sans discernement.
La peine de prison n’est jamais requise pour les coupes, le pâturage illicite ou l’enlèvement d’herbages et en matière de chasse, elle est tout à fait exceptionnelle. Elle est prescrite lorsque le délinquant a résisté avec violence aux auteurs du procès-verbal ou a proféré des menaces à leur égard. La peine prévue par le Code pénal est de 6 mois à 2 ans et le tribunal correctionnel inflige toujours la peine minimum.
L’administration forestière réclame régulièrement des dommages-intérêts, du même montant que l’amende, destinés à la commune où le délit a été commis. Jusqu’en 1837, les tribunaux suivent scrupuleusement les demandes de l’administration, à partir de cette date, ils les ignorent assez régulièrement. Vers 1851, les dommages-intérêts ne sont plus accordés que de façon exceptionnelle.
Elle demande toujours la restitution des biens enlevés, étant entendu que le plus souvent le fagot qui a été pris a été consommé. Dans ce cas, elle en fixe la valeur, et impose au délinquant de verser le montant à la commune. Il est exceptionnel que le tribunal ne la suive pas.
Le législateur prévoit la confiscation des instruments qui ont servi à commettre le délit. Si les contrevenants refusent de les livrer, l’administration forestière requiert qu’ils en paient la valeur.
En e qui concerne les dépens, si l’on tient compte du montant des amendes prononcées, on doit constater qu’ils sont considérables.
Enfin, la Code prévoit la responsabilité civile pour l’employeur du délinquant et la solidarité lorsque plusieurs personnes commettent le même délit, dès lors qu’il existe une relation entre les auteurs.
Il est dans les fonctions de l’administration forestière d’appliquer le Code, sans se préoccuper de la situation dans laquelle se trouve le délinquant. Il est dans les attributions du tribunal correctionnel de minorer la demande formulée par l’administration. Il est vraisemblable, bien que les jugements ne contiennent pas d’explications, que l’état de pauvreté des inculpés, l’absence d’intention de vendre les fagots, les besoins des familles nombreuses conduisent les juges à faire preuve d’indulgence.
Mais ce sont aussi ces délinquants qui ruinent la forêt. Certes, chaque individu ne prend qu’un fagot ou un arbre, cependant c’est en procédant ainsi depuis des siècles que les bois sont exsangues. Au début du XIXe siècle, la forêt provençale n’était plus que garrigue ou maquis, il n’existait plus une seule forêt digne de ce nom. Il semble que l’administration a imposé le Code forestier sans état d’âme, mais la survie de la forêt n’était-elle pas à ce prix ?