LA DÉVOLUTION DU POUVOIR MUNICIPAL DANS LA FRANCE D’ANCIEN RÉGIME : LES SYSTÈMES ÉLECTORAUX
ARTICLE
L’évocation de la dévolution du pouvoir municipal en France sous l’Ancien régime sous-entend l’existence d’un droit électoral, dans les provinces qui ont retenu le système de l’élection. Seront présentées ici les grandes lignes, en commençant par la création de la réglementation, de la coutume qui vient compéter des points mal rédigés ou demeurés dans l’ombre et de leur évolution. Maîtres de leur réglementation électorale, les habitants des villes ne jouissent cependant que d’un pouvoir délégué qui peut être repris dans certaines circonstances.
A des périodes qui varient selon chaque communauté, au moins en théorie, les habitants maîtrisent leur droit électoral, mettant au point des statuts municipaux souvent inspirés des pratiques antérieures. L’uniformité n’existant pas dans l’Ancien régime, aucune loi générale ne réglant les élections, les règlements et les coutumes variaient selon les provinces. Cependant, si les différences étaient parfois considérables entre les pays d’états et les pays d’élection, donc entre le nord et le sud, certains principes étaient généralement admis, tel celui qui faisait dériver les charges municipales de l’élection, tels ceux qui s’inspiraient du droit canon.
En l’absence de toute difficulté, ce droit est exercé librement, mais dès que surviennent les problèmes, le pouvoir central s’immisce dans la réglementation. Quant aux Parlements, de tous temps, ils ont fait œuvre utile dans ce domaine, soit sur requête, soit de leur propre autorité.
Normalement, le droit électoral devrait toujours être d’une efficacité maximum or, à l’évidence, la réglementation est souvent, si ce n’est toujours, insuffisante. Le véritable problème tient au fait qu’elle ignore la réalité. Mise en place pour lutter contre les manœuvres individuelles, elle est impuissante face à celles des parties et la mentalité des intéressés autant que celle des parlement, du roi, des intendants, n’était pas prête à s’adapter, à accepter la situation et à composer la réglementation en partant des faits a vouloir faire entrer absolument les pratiques électorales dan une réglementation désuète, celle-ci devenait inutile.
Nombre de villes du royaume sont des polyarchies, le gouvernement y est assuré par le conseil de ville et le consulat, l’échevinage…, élus selon un système dont le souci majeur n’est pas la recherche de la démocratie. Généralement, les régimes sont ploutocratiques et oligarchiques.
Tous ces traits sont communs à l’ensemble du royaume, de même que l’application du droit électoral. Partout, il semble que les abus aient été la règle et la permanence des brigues, cabales, menées et monopoles montre assez que le droit était inadapté, ceci s’affirmant davantage au fil des années.
Pour apprécier l’efficacité du droit face aux manœuvres, il faut distinguer deux périodes. Dans un premier temps, les brigues sont essentiellement individuelles, alors que le droit, pleinement efficace, empêche les cabales et monopoles et endigue parfaitement l’ardeur des individus. Efficacité telle que les amoureux du pouvoir municipal s’organisent et les partis vont alors jouer un rôle qu’ils ignoraient jusque-là. D’individuelles, les manœuvres deviendront collectives et le droit impuissant car il n’a pas été conçu pour s’opposer à des gens organisés et regroupés : dès lors l’institution juridique ne correspondra plus à la réalité électorale et aucun remède efficace ne sera proposé. Cependant, dans l’absolu, il ne faut pas exagérer l’importance des brigues et des cabales : en respectant le droit ou en le contournant, les gens portés au pouvoir n’étaient guère plus compétents. L’administration de la ville était de toute façon livrée aux gens les plus représentatifs.
Cette situation, à la fin du XVIIe siècle, ne peut se comprendre qu’à l’aide d’une brève analyse du jeu du pouvoir central. Le roi, durant la première moitié du XVIIe siècle, alors que sa position est souvent peu solide, s’efforce de maintenir l’équilibre entre les forces en présence, avantageant les partis opposés à tour de rôle afin de polariser l’attention d’habitants bien remuants ; au milieu du XVIIe siècle, la situation change. Louis XIV s’affirme de jour en jour ; pour lui, il devient moins important de maintenir un équilibre que d’obtenir le soutien inconditionnel du parti qui lui est le plus favorable, prêt à agir au mieux des intérêts du royaume, tel qu’il le conçoit.
Avec la création des offices de maires en 1692, Louis XIV s’attaquait aux habitudes électorales de ses sujets. En modifiant les formes anciennes et les usages séculaires, il ruinait ce qui restait d’esprit d’indépendance de ses provinces, consolidait sa puissance et surtout endiguait la vie politique des provinces.