DROIT DE CHASSE, FORETS COMMUNALES SOUMISES AU RÉGIME FORESTIER ET FINANCES MUNICIPALES EN PROVENCE
L'exemple des départements des Bouches-du-Rhône et de Vaucluse de 1827 à 1900
ARTICLE
Avant la loi de police de 1844, les chasseurs parcourent les forêts communales librement et gratuitement pourvu qu’ils soient munis d’un permis de port d’armes de chasse. A partir de cette date, en imposant la vente du droit de chasse, l’administration déclenche une opposition aussi virulente dans les Bouches-du-Rhône que dans le Vaucluse. Elle souhaitait interdire à qui que ce soit la possibilité de chasser dans les forêts soumises au régime forestier partout où ce droit n’était pas affermé, c’était compter sans l’opposition des chasseurs et des administrateurs municipaux. Si l’on ajoute à cela que l’amodiation confisque la chasse traditionnellement populaire et rurale au profit d’un petit nombre de nantis venus de la ville, on comprend mieux leur acharnement à s’opposer à cette réglementation.
Quand au XIXe siècle l’administration est chargée de conserver le patrimoine forestier pour les générations futures, d’améliorer son état, cela passe parfois par la suppression d’abus de jouissance. Parmi ceux-ci, en bonne place, figure la chasse, avec toutes les atteintes que représente sa pratique pour la dégradation de l’environnement et pour la propagation des incendies. Les agents forestiers devront alors s’opposer aux administrateurs municipaux, aux préfets, aux chasseurs pour protéger coûte que coûte un patrimoine dont peu de gens semblent se soucier.
A l’égard des chasseurs, l’administration forestière montre une grande méfiance, et le mot est faible, soit qu’ils désirent construire des postes à feu près des forêts communales protégées, soit qu’ils les parcourent en tous sens à la recherche de gibier. Sédentaires ou itinérants, les chasseurs constituent un grave danger pour les forêts.
L’assouplissement de la réglementation à partir de 1867 est un échec pour l’administration forestière qui espérait limiter la chasse dans les forêts communales soumises, mais ce poste occupait une telle place dans la vie d’une grande partie de la population que le recours à un mode commercial, par opposition au mode communautaire, était de nature à susciter des troubles que personne ne souhaitait, qu’il s’agisse de l’administration forestière ou des élus locaux.
Il est difficile ici de raisonner en terme de victoire ou de défaite car, à travers les finances, l’administration comme les communes défendent d’autres intérêts : la première recherche la protection des forêts, les secondes défendent leur identité et un certain sens de l’équité.
L’administration forestière, soucieuse de léguer aux générations futures des communaux boisés dans le meilleur état possible, assure la protection des forêts, éventuellement contre la volonté des dirigeants municipaux, à l’aide de la soumission au régime forestier, du reboisement, de la mise du quart en réserve, de l’autorisation des coupes ordinaires et extraordinaires… autant de dispositions essentielles en Provence où la forêt dans sa presque totalité est à reconstituer.
Les communes quant à elles défendent leur identité si l’on admet que le système de l’amodiation privilégie les citadins. Comme les habitants les plus proches de la forêt peuvent rarement payer le prix de la ferme de la chasse, les acquéreurs sont souvent issus de la ville voisine. Dans ce cas, le combat des communes rurales procède de leur volonté de s’opposer à la confiscation de leurs forêts par la ville. De plus, il est évident que le système de la ferme privilégie les nantis au détriment des plus pauvres. Conjugués, ces deux arguments expliquent que les communes, et derrière elles les électeurs chasseurs, refusent de livrer leurs forêts aux plus riches d’une manière générale, qu’ils soient de la commune ou de la ville la plus proche.
La chasse est l’affaire de tous et doit le rester, l’administration forestière, pour n’avoir pensé qu’en terme de protection, pour avoir ignoré cette conquête révolutionnaire, pour n’avoir pas considéré à quel point les paysans y étaient attachés devait obligatoirement déclencher des réactions humaines échappant totalement à la logique de l’administration et du droit.
TABLEAUX
Tableau 1 : Droit de chasse et finances municipales de 1844 à 1867
Tableau 2 : Evolution des recettes liées à la chasse de 1868 à 1871
Tableau 3 : Evolution des recettes liées à la chasse de 1872 à 1900
ARCHIVES
Pour le département des Bouches-du-Rhône, les dossiers sont conservés aux Archives départementales, dépôt de Marseille, série P 5, registres cotés de 14 à 49.
Pour le département de Vaucluse, les dossiers sont conservés aux Archives départementales en Avignon, série 7 M, registres 308/309 et 309