FINANCES PUBLIQUES ET LIBRE CHARITÉ MUNICIPALE
L’exemple de la ville d’Aix-en-Provence au XVIIe siècle
ARTICLE
Au XVIIe siècle, les communautés d’habitants ont l’obligation de porter assistance aux pauvres qui se trouvent sur leur territoire. La ville d’Aix-en-Provence respecte ses obligations en accordant des aumônes aux pauvres et aux communautés religieuses. Les premiers, qu’ils soient Aixois ou de passage, reçoivent du pain, de l’argent, des soins selon que les intempéries ou la peste rendent leur survie problématique. Quant aux communautés religieuses, sur leur demande, elles perçoivent de l’argent ou quelques biens qui leur permettent de remplir leur devoir de charité et d’améliorer leur vie quotidienne. Dans les deux cas, les dirigeants ont pour volonté d’apporter un certain soulagement mais, avec les pauvres, les élus exercent une surveillance indispensable, l’aumône contribuant alors au maintien de la paix sociale, avec les communautés religieuses qui n’inquiètent pas la population, l’aumône est le signe d’une volonté d’améliorer la vie de personnes qui se consacrent à la charité et à la prière.
Pour les pauvres, sauf rares exceptions, l’assistance est alimentaire avec pour conséquence qu’elle est personnelle, accordée pour faire face à une situation de besoin urgent. Le même caractère d’urgence se retrouve dans les aumônes accordées aux institutions religieuses, mais en plus du caractère alimentaire qui n’est pas ignoré, des fonds sont accordés pour améliorer la vie quotidienne des religieux ou du public.
En donnant de l’argent ou des biens indispensables aux pauvres et aux institutions religieuses, la communauté se conforme à ses obligations, au droit objectif, mais la mise en œuvre de l’assistance, son ampleur et sa périodicité dépendent de sa bonne volonté. Privés de moyens pour obliger la communauté à s’acquitter de sa charge, les assistés sont dépourvus de droit subjectif. Négation qui doit cependant être tempérée par le fait que les élus sont obligés de tenir compte de l’opinion publique, de l’idée que les particuliers se font de l’assistance. Ne pouvant ignorer la misère qui les entoure, les Aixois sont conscients des difficultés que rencontrent les pauvres lorsque leurs oboles ne suffisent plus à les faire vivre.
Que l’aumône soit accordée aux pauvres ou aux religieux, la volonté des dirigeants municipaux est d’apporter constamment un certain soulagement aux bénéficiaires, mais un caractère les différencie : dans le premier cas, les élus exercent une surveillance indispensable sur une masse réduite à la misère, l’aumône contribuant alors au maintien de la paix sociale, dans le second cas, alors que les religieux n’inquiètent pas la population, l’aumône est le signe d’une volonté d’améliorer la vie de personnes qui consacrent leur existence à la prière et qui, bien souvent, ne manquent pas de rappeler la place qu’elles tiennent dans la vie spirituelle de la communauté.
De 1598 à la fin du XVIIe siècle, cinq groupements d’affidés se sont partagé le consulat et de 1598 à 1689, six grandes périodes sont dégagées. Pour chaque période, l’évolution de la libre charité municipale s’est faite par rapport aux recettes.
Il est fréquent, en fonction de l’objectif à atteindre, du destinataire et des fonds en possession du trésorier de la ville, que l’aumône consiste en une certaine somme d’argent. Mais il peut aussi s’agir de pain, de vin, de viande ou de poisson. En période de contagion, les aumônes prennent la forme de médicaments distribués aux pauvres malades, la ville remboursant aux apothicaires ou aux chirurgiens les frais engagés.
Evoquer la libre charité municipale conduit à s’attacher à la notion de liberté. Si les dirigeants municipaux distribuent les aumônes quand ils le jugent nécessaire et selon une quantité qu’ils sont seuls à déterminer, leur liberté n’est cependant pas totale, loin s’en faut. Certes, les aumônes distribuées aux pauvres ont pour but de les secourir, mais aussi, indirectement, de contribuer au maintien de l’ordre et à la préservation du système économique, celui-ci devant se remettre en marche dès que les conditions climatiques ou sanitaires seront normales. Les dirigeants agissent aussi pour préserver la sensibilité des Aixois mieux nantis. A ce titre on peut évoquer une fonction antalgique. Au début du XVIIe siècle, les élus se livrent à des opérations qui donnent bonne conscience, qui permettent de contempler plus facilement, voire passivement, les malheurs des miséreux.
Bien que cela ne soit jamais clairement énoncé, les aumônes ont aussi pour but de calmer la population afin qu’elle n’ait pas envie de prendre les armes ou suivre des séditieux. On peut donc conclure sans risque d’erreur que les dirigeants jouissent d’une liberté très restreinte. Vis-à-vis des religieux, elle est tout aussi amoindrie puisqu’ils ne peuvent laisser les bâtiments s’écrouler, ils ne peuvent ignorer la misère de ceux qui prient pour la santé et la prospérité de la ville.
Tableaux (exprimés en livres, sols et deniers (12 derniers = 1 sol ; 20 sols = 1 livre)
Tableau n° 1 : Pourcentage des aumônes accordées aux pauvres et aux religieux par rapport aux recettes.
Tableau n° 2 : Budget général de la communauté de 1598 à 1629
Tableau n° 3 : Budget général de la communauté de 1630 à 1638
Tableau n° 4 : Budget général de la communauté de 1639 à 1648
Tableau n° 5 : Budget général de la communauté de 1650 à 1654
Tableau n° 6 : Budget général de la communauté de 1655 à 1674
Tableau n° 7 : Budget général de la communauté de1675 à 1689
Tableau n° 8: Evolution des recettes et des dépenses
Tableau n° 9 : Aumônes accordées aux pauvres étrangers et aux Aixois