LA DIFFICILE GESTION D’UNE VILLE PENDANT LA PESTE
AIX-EN-PROVENCE AU XVIIe SIECLE
ARTICLE
De 1348 à 1720, la capitale provençale a connu dix-huit grandes épidémies de peste dont sept eurent des conséquences catastrophiques : 1348, 1437 (dite la grande peste), 1506, 1523, 1580 (dite peste de l’Hermite), 1629 et 1720. Pour cet article, les pestes de 1629 et 1650 ont été retenues car elles n’ont fait l’objet d’aucune étude approfondie et leur incidence financière n’a jamais été mise en évidence.
A cette époque, l’indépendance financière étant un élément essentiel de la vie municipale, les communautés, dotées de finances propres, avaient le pouvoir de décider de leurs dépenses, de les couvrir en établissant des recettes autonomes.
A la fin du XVIe et au début du XVIIe siècle, la situation financière aixoise, identique en cela à celle des autres communautés provençales, était déplorable, mais en 1624, les efforts entrepris avaient permis de rétablir un certain équilibre, situation qui ne devait pas durer car, après plusieurs alertes, la ville succombait à la contagion en 1629 et en 1650, avec de très lourdes conséquences, notamment financières.
Afin d’éviter la contagion, la ville devait informer, organiser la protection des personnes, l’approvisionnement en blé, et le recours à la protection divine. La lutte contre l’épidémie passait par les mesures de sécurité à mettre en place, par le maintien de l’ordre à assurer, par l’organisation du ravitaillement et le contrôle des distributions.
Il fallait aussi que la ville la lutte contre l’épidémie, avec les connaissances de l’époque qui comprenaient les mesures d’hygiène collective et individuelle et les soins apportés aux pestiférés.
Pour financer ces différents postes, il était logique de penser à augmenter les impôts ou en créer de nouveaux, solution qui cependant n’était pas évidente. Bien souvent les dirigeants refusaient les impositions nouvelles, avec pour argument le soulagement du peuple. Si l’on s’attachait à l’individu isolé, il était plus intéressant pour lui de prêter de l’argent, sauvegardant son capital que de payer un impôt par définition irrécupérable et non productif d’intérêts. L’opération était d’autant plus intéressante pour les souscripteurs les plus riches qu’ils récupéraient sous forme d’intérêt ce qu’ils payaient en impôts. En période de peste, il n’est pas étonnant que l’emprunt ait été le mode de financement préféré. Mais l’étude des comptes montre que ces emprunts grèveront les finances municipales jusqu’à la fin du XVIIe siècle.
Pour démontrer le poids de ces choix sur les finances municipales, il convenait d’étudier l’évolution des impôts et les conséquences des recours à l’emprunt pendant les périodes considérées.
Evoquer la gestion d’une ville pendant la peste conduit à s’interroger sur sa politique sanitaire. S’il semble qu’à cette époque cette notion juridique ait des contours mal définis, l’observation de la pratique montre que certains aspects étaient bien réglementés. Ainsi, en ce qui concerne les conditions d’attribution, on s’aperçoit que l’aide est subordonnée au besoin, lequel comporte la fourniture de biens de première nécessité et les soins.
Enfin, la communauté devait être en mesure de supporter la charge financière, avec comme postulat qu’elle ne pouvait prévoir l’étendue de son obligation. Comment augurer les besoins en aliments et en médicaments, comment contrôler la durée de l’enfermement dans les infirmeries, comment présager la durée de l’épidémie … ? Ces incertitudes jouaient certainement un rôle dans la politique financière en ces temps difficiles, le pire étant toujours à craindre, et la lutte contre la souffrance étant un devoir et non un droit.
TABLEAUX
Tableau n° 1 : pourcentage des dépenses liées à la peste par rapport aux recettes globales (recettes ordinaires + impôts + emprunts)
Tableau n° 2 : évolution des impôts en dehors des périodes de peste
Tableau n° 3 : évolution des impôts pendant la peste
Tableau n° 4 : financement de la peste par les impôts
Tableau n° 5 : financement de la peste par les recettes (recettes ordinaires et impôts)
Tableau n° 6 : financement des dépenses de la ville par les recettes (recettes ordinaires et impôts)
Tableau n° 7 : simulation avec les dépenses semblables à celles des années précédentes
Tableau n° 8 : simulation avec des recettes semblables à celles des années précédentes
Tableau n° 9 : pourcentage des emprunts par rapport aux recettes globales
Tableau n° 10 : pourcentage des pensions générales par rapport aux recettes globales
Tableau n° 11 : pourcentage des pensions liées à la peste par rapport aux recettes globales
Tableau n° 12 : pourcentage des pensions dues liées à la peste par rapport aux recettes globales
Tableau n° 13 : financement des dépenses liées à la peste par les emprunts
Tableau n° 14 : financement des dépenses