La procédure électorale en Provence au XVIIe siècle
ARTICLE
Au XVIIe siècle, la règle veut que les communautés provençales disposent du droit de rédiger seules les règles de leur droit électoral. Elles déterminent les modalités d’accès aux charges électives prévoyant les conditions d’éligibilité, d’inéligibilité et les incompatibilités. Leur liberté est cependant limitée par quelques principes tels l’annalité des fonctions, l’absence de candidature et l’obligation pour l’élu d’accepter la charge. En ce qui concerne la procédure électorale, leur liberté est plus grande car, phase préparatoire et déroulement des élections ne font l’objet d’aucune mesure imposée.
Cet article englobe toute la Provence, y compris les terres adjacentes (les Baux et Marseille) et la capitale, Aix.
Toutes les communautés sont alors dotées de statuts municipaux mais, en 1692, le roi mettra un terme à l’aimable désordre qui présidait trop souvent aux élections et imposera un système dans lequel les habitants perdront leur pouvoir, donc une grande partie de leur intérêt pour la mise en place des magistrats politiques. Le XVIIe siècle voit donc l’aboutissement, le plein épanouissement du système et sa mort, signifiant que la Provence est désormais rattachée à la couronne de France.
Bien souvent le conseil d’élections, ou conseil de création du nouvel état, est précédé d’une phase préparatoire, réunion obligatoirement autorisée par l’autorité de tutelle. Il fait l’objet d’une annonce au public, de même que la date et le lieu.
Bien qu’elles soient maîtres de leurs élections, les communautés ne peuvent oublier le privilège qui est à l’origine de leur liberté, c’est pourquoi le viguier, par sa présence, veille au respect des privilèges et coutumes. Cependant, depuis 1547 et 1549, conscient de la fragilité de l’équilibre électoral, afin de préserver l’indépendance de la maison commune, le roi interdit l’entrée de ses officiers dans les conseils d’élections. Cette indépendance est cependant assez relative puisque deux officiers royaux surveillent la création du nouvel état.
En ce qui concerne les mesures de surveillance, deux procédés sont utilisés pour déterminer les personnes qui composeront le conseil général ou l’assemblée devant préparer la création du nouvel état.
Plusieurs systèmes présidaient à la nomination et élections des consuls, des conseillers, du greffier, du trésorier, du prince d’amour, de l’abbé de la jeunesse.
Malgré la complexité de l’ensemble des règles, la pratique montre assez que la sérénité n’était pas le principal caractère des élections provençales. En fait, ces mesures étaient totalement inefficaces pour enrayer les troubles. Rien ne pouvait empêcher les brigues, cabales, menées et monopoles.
Parmi les caractères de la procédure électorale, il convient de souligner qu’elle était écrite dans les registres de la ville, progrès notable par rapport aux périodes antérieures car aux XVe et XVIe siècles, la conservation des règles de droit n’était pas le souci majeur des Provençaux. Au début du XVIIe siècle par contre, ils semblent prendre conscience que droit et procédure sont partie intégrante du patrimoine de la communauté et doivent être transmis aux générations futures.
Autre caractère de la procédure électorale, elle est locale, adaptée au contexte et aux mentalités. Elle est aussi fortement influencée par le droit et la coutume antérieurs mais son inscription dans le passé ne l’empêche pas d’être vivante, en évolution constante.
Dans la mesure où les manœuvres évoluent, il faut s’interroger sur l’efficacité du droit électoral en général et deux périodes doivent être distinguées. Dans un premier temps, les brigues sont essentiellement individuelles et le droit, pleinement efficace, empêche les cabales et endigue parfaitement l’ardeur des Provençaux. Il est tellement efficace que les amoureux du pouvoir sont obligés de s’organiser et les partis vont alors jouer un rôle qu’ils ignoraient jusque-là : d’individuelles, les manœuvres deviennent collectives et le droit est impuissant. L’institution juridique ne correspond plus alors à la réalité électorale.
Cette situation ne peut se comprendre qu’en analysant l’évolution du jeu du pouvoir central. Pendant la première moitié du XVIIe siècle, le roi, à cause de la fragilité de sa position, s’efforce de maintenir l’équilibre entre les forces en présence, avantageant les partis opposés à tour de rôle afin de polariser l’attention de Provençaux bien remuants. A partir de la moitié du XVIIe siècle, la situation n’a plus rien de commun. Louis XIV s’affirme de jour en jour ; pour lui, il devient moins important de maintenir un équilibre que d’obtenir le soutien de façon inconditionnelle, du parti qui lui est le plus favorable, qui est prêt à agir au mieux des intérêts du royaume, tel qu’il les conçoit. Jusqu’à cette période, Aix notamment, connaissait l’alternance des partis au pouvoir. Dans la seconde moitié du XVIIe siècle, il y aura confiscation du pouvoir municipal par le parti le mieux en cour et peu à peu l’indulgence fera place à la plus grande sévérité : l’aimable désordre électoral n’a plus de place dans un état fort et organisé. Le temps de l’autonomie municipale est révolu.